Mis à part les cidres dits « traditionnels », le goût du public était pour des cidres peu alcoolisés (cidre doux) et des jus de pommes parfaitement clairs et brillants (nifs).
Une pré-clarification du jus permet de ralentir la fermentation et d’atteindre un jus déjà plus clair.
Décantation
Dans ce procédé ancestral, il s’agit de laisser le moût (jus brut obtenu après le pressurage) se décanter dans un premier temps. Les matières lourdes se déposent, entraînant avec elles une partie des matières azotées (ce qui pour le cidre permettait de ralentir la fermentation ultérieure). Pour faciliter cette décantation, il nous arrivait d’incorporer au moût des enzymes de clarification (diastases) qui éliminaient la pectine et faciliteraient ultérieurement la filtration.
Collage
Nous avions également eu recours au collage (comme pour le vin) avec l’utilisation d’albumine de sang lyophilisé ou de la gélatine d’os. Quelquefois, il nous arrivait d’ajouter du charbon actif pour atténuer la couleur du jus en cas de besoin. L’utilisation d’anhydride sulfureux (soufre) à la dose maximum de 200mg par litre ralentissait quelque peu la fermentation et évitait l’oxydation donc l’apparition de certaines maladies.
Défécation
Pour conserver des cidres naturellement doux, un moyen consistait à utiliser la « défécation » par lequel on laisse le cidre commencer à fermenter. Le gaz carbonique faisait remonter les matières azotées et les levures, produisant en surface une masse relativement épaisse appelée le «chapeau brun ». Il suffisait alors de soutirer le cidre peu chargé et souvent clair qui par la suite fermentera lentement et se stabilisera à la densité de 1020/1025. On facilitait la défécation par l’adjonction de sels défécants, tel le carbonate de chaux. Cette méthode était largement employée en Bretagne et en Normandie dans le Pays d’Auge, notamment pour les cidres d’appellation. Mais à Bellot, les pommes étant généralement pauvres en tanin, la réussite était rarement au rendez-vous.
Centifugation
Un autre procédé de clarification est la centrifugation, qui consiste à utiliser une sorte d’écrémeuse, comme pour le lait, tournant à plusieurs milliers de tours/minute. Les matières plus lourdes se fixent alors sur des bols cylindriques (ou des sortes d’assiettes empilées). Deux marques se partageaient le marché : Wesphalia (allemand) et Alfa Laval (frnçais).
Le froid
On peut aussi ralentir la fermentation par le froid (cuves réfrigérées) ou la favoriser (si les levures sont trop« paresseuses ») en élevant la température du jus de quelques degrés.
La filtration
C’est la dernière étape avant l’embouteillage. Dans les années 40 et 50, nous utilisions un filtre « à masse ». Le cidre traversait des sortes de gâteaux circulaires de 50 cm de diamètre (en cellulose), dans lesquels on incorporait un peu d’amiante en poudre pour améliorer la finesse de filtration. Des filtres à plaques d’amiante étaient également employés mais plus coûteux car elles étaient non réutilisables alors qu’on lavait à grande eau la cellulose qui était ensuite pressée pour faire de nouveaux gâteaux. Inutile de dire que l’amiante a été retirés de l’industrie agroalimentaire dès qu’ont été connus les dommages pour la santé.
Enfin dans les années 60 apparût le filtre à « kieselguhr » (ou diatomée, roche sédimentaire de silice formée par des micro-fossiles, également utilisé pour la filtration des eaux de piscine).
A mon retour de l’armée en 1960, j’ai trouvé ce matériel qu’Ariel envisageait de rendre au fournisseur la société Gasquet parce qu’il n’avait jamais pu fonctionner (sauf en brasserie). La solution a été finalement trouvée … ce fût le premier filtre utilisé en cidrerie.
Commentaire de Serge Mignard.